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Comment peut-on bien gérer l’information si elle est mal formulée?

ÉcrireL’information, encore l’information…

Si vous suivez mon blogue depuis un bon bout de temps, vous aurez remarqué que la façon dont je décris le concept d’information dans l’expression « gestion de l’information » est plus large que celui du « document », plus large même que l’information qui est enregistrée sur un support quelconque.

En effet, l’information — du moins celle que les humains peuvent interpréter grâce à leurs facultés mentales — se formule dès qu’elle est extériorisée de cerveaux humains (plus précisément de leur mémoire ou de leur savoir), ou encore dès qu’elle est générée des machines, à partir de données binaires (une suite de 0 et des 1) de toutes sortes.

L’information qui sort du cerveau humain peut être « vivante », sans avoir le temps d’être « capturée » sur un support. Lorsque l’on parle, par exemple, nous générons de l’information qui, on l’espère, aura le temps d’être capturée par un ou plusieurs cerveaux, d’une manière qu’on espère la plus efficace que possible, règle générale.

Or, même lorsque l’information est enregistrée sur un support (on parle bien d’un autre « support » que le cerveau humain, s’il en est un!), cette extériorisation ou cette génération d’information à partir de connaissances ou de données a aussi ces failles!

Les enjeux d’une mauvaise formulation

Si l’on maîtrise de plus en plus la façon dont les machines « donnent du sens » aux données et en extraire de la valeur sous forme d’information (je fais évidemment référence aux technologies du Big Data), il reste néanmoins difficile de garantir que les informations qui sont « générées » par les cerveaux humains soient tout autant faciles à comprendre et à utiliser par les autres.

Que ces informations soient capturées immédiatement par un (autre) cerveau, ou qu’elles soient enregistrées sur un support pour être consultées par la suite, tant et aussi longtemps qu’elles seront saisissables par les sens (généralement visibles, audibles ou les deux), il y a un risque de mal comprendre l’information.

En effet, lorsqu’on étudie le modèle de la communication de Shannon et Weaver (1949) on comprend rapidement que l’information que l’on souhaite transmettre peut être soumise à une foule de facteurs qui nuisent à la transmission efficace de l’information, résumé au concept de bruit.

Perturbateurs d’une communication efficace

Des facteurs qui perturbent la communication de l’information existent bien dans l’univers de la technique (une mauvaise transmission du signal électrique, par exemple), et sont assez évidents à mesurer dans ce cas, mais ils sont différents et plus complexes à mesurer dans le monde de la communication humaine.

Dans ces facteurs, on peut notamment compter la différence de perception et d’interprétation. Ceci est souvent causé par le manque de précision et de clarté, et l’absence d’éléments de contexte. De plus , l’utilisation des mauvais termes, de concepts inhabituels, d’abréviations et d’acronymes obscurs nuisent à la transmission efficace de l’information.

On pourrait ajouter à ces perturbateurs le fait d’inclure trop d’informations différentes à l’intérieur d’un même ensemble, ou simplement trop de détails inutiles. Trop d’information noie l’information, et l’essentiel se perd. En bout de ligne, les informations qui sont de trop nuisent à une bonne compréhension.

Comment une mauvaise formulation nuit à la gestion de l’information

Si l’information est mal formulée, elle sera beaucoup plus difficile à gérer.

Prenons un exemple très simple : la rédaction d’un courriel. Un courriel est un document au même titre qu’un procès verbal ou un rapport de projet. Il peut servir de preuve, ou simplement d’aide mémoire. Or, si un courriel couvre un trop grand nombre de sujets, il sera difficile de les distinguer l’information qui est d’intérêt parmi tous les autres, donc de retrouver aisément cette information.

Un autre exemple? Prenons un autre document : un rapport de projet. Un rapport de projet est utile pour rapporter les faits et se remémorer les notions apprises. Or, si celui-ci est bourré de jargon et d’acronymes qui sont utilisés uniquement dans une équipe, ou même de sous-entendus que les membres oublient de mentionner puisque ceux-ci savent « implicitement » de quoi il s’agit, tôt ou tard, l’inévitable se produit : seuls ceux qui savent à quoi ces termes réfèrent pourront en comprendre le sens.

Inutile de porter attention à ces détails?

On pourrait argumenter bien sûr que l’intérêt du rapport produit se limite à un nombre restreint de gens qui ont travaillé sur le projet lui-même. Or, la même chose peut se produire au sein d’une même équipe. En effet, puisque le temps passe, il est inévitable que les personnes qui ont travaillé sur le projet en question soient remplacées par d’autres qui ignorent totalement ce à quoi ces termes font allusion. D’ailleurs, après plusieurs années, gageons que même ceux qui avaient rédigé le document aient perdu toute notion de ce dont il s’agit!

Remettons d’ailleurs en doute l’idée que l’intérêt d’un document tel un rapport de projet soit limité à un groupe précis, même à un moment précis. Quel est le but d’un tel document sinon de laisser une trace pour un usage futur, à d’autres personnes qui pourront l’exploiter?

Êtes-vous de ceux qui produisent un rapport de projet simplement pour indiquer la fin du projet, ou simplement parce que cela fait partie de la procédure, ou parce que le client l’exige?

Qu’arrive t-il du document lorsqu’il est produit? On le laisse de côté et on passe à autre chose?

Quant aux courriels, ils sont aussi sujets à être lus et interprétés par d’autres. S’il s’agit d’une décision importante, elle pourrait engager plus que les deux parties. Or, si certains éléments de contexte sont absents, on risque de mal interpréter l’information. Un courriel peut être plus qu’un banal échange entre deux personnes.

Le facteur temps est aussi valable pour les seules personnes qui ont envoyé et reçu la correspondance. Plus le temps passe, et plus on perd la mémoire. Même si le courriel contient uniquement de l’information secondaire, en l’absence d’éléments de contexte, la valeur de cette information non enregistrée, pourrait se perdre.

La valeur stratégique de l’information (bien formulée)

Dans tous les documents que l’on produit, l’information qui s’y trouve, si elle est bien écrite et bien présentée, peut avoir une grande valeur.

En effet, cette information :

  • soutient et complémente la mémoire de ceux qui l’ont rédigé ou y ont contribué d’une quelconque façon, en préservant les savoirs appris (réutilisables pour fins de formation ou d’apprentissage, par exemple) et certains détails importants auxquels on peut se référer en cas de besoin;
  • construit la mémoire de l’organisation, et fait partie de son patrimoine historique;
  • témoigne d’une action spécifique dans un temps donné, et sert ainsi de preuve;
  • constitue un actif ou un capital informationnel, que l’on peut exploiter pour ses propres fins, mais que l’on peut aussi vendre ou offrir à des partenaires d’affaires;
  • …. et fait sans doute bien d’autres choses.

Par conséquent, on aura tout avantage à construire les documents de manière à être capable de les utiliser efficacement plus tard.

Comment rendre un document intelligible?

Pour construire un document qui soit utilisable au plus grand nombre, à tout moment de sa durée de vie, on doit :

  • bien structurer le document, et distinguer les parties qui abordent des sujets différents en les identifiant clairement;
  • utiliser un vocabulaire commun, reconnu et accepté dans la langue, et éviter le jargon technique (qui a souvent tendance à rapidement évoluer), les abréviations et les acronymes, ou encore joindre un glossaire ou une note explicative pour les termes plus obscurs que l’on doive absolument conserver;
  • inclure tous les éléments de contexte qu’il faut pour situer ce dont on parle, soit directement dans le contenu du document ou dans un document annexé, ou encore dans les données de classement, s’il y a lieu;
  • identifier les acteurs et les auteurs, notamment pour savoir à qui se référer s’il persiste quelconque ambiguïté dans le texte;
  • sans oublier d’inscrire la date, et s’il y a lieu, l’endroit.

Tous les types de documents méritent d’être lisibles

On pense souvent à un document comme étant écrit, mais il arrive que les documents soient visuels, sonores ou audiovisuels.

Dans le cas de ces derniers, il sera très importants de les accompagner d’un texte décrivant leur contenu pour faciliter la recherche, qui se fait souvent par mots-clés dans l’univers informatique. Ce texte devra aussi répondre aux mêmes exigences que pour les documents écrits.

  • Pour les images numériques (ou numérisées), il pourrait être très utile d’indiquer leur résolution et leur taille, ainsi que le format utilisé pour l’enregistrement ou le logiciel requis pour le visionner.
  • Pour les enregistrements sonores, le format de lecture est aussi très important, car les appareils évoluent rapidement. De plus, idéalement, il devrait y avoir un verbatim des textes parlés, qui devrait indiquer à quel moment on retrouve chaque passage.
  • Pour les films et les clips vidéos, il serait aussi important d’indiquer le format et la durée du visionnement, tout comme un verbatim.

Vos documents sont-ils construits de manière à être intelligibles pour les autres, aujourd’hui, et pour toute sa durée de vie utile?

Félix Arseneau

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