Publié dans critique, enjeux sociaux, gestion de l'information, livre, science, surabondance d'information (infobésité)

Critique du livre « The Organized Mind » / Daniel J. Levitin

Sérendipité organisée

J’aime bien Google.  Pas toujours pour les raisons que j’espérerais, c’est-à-dire trouver exactement la bonne information que je lui demande, mais parfois parce qu’il me trouve des perles dans sa grande « sérendipité organisée », disons.

C’est encore arrivé l’autre jour, alors que j’essayais de trouver un article (ou quelqu’un) qui comparerait le fonctionnement d’une entreprise à celui d’un cerveau (avec peu de résultats satisfaisants, quoi que… est-ce que ça voudrait dire que je suis le premier à avoir trouvé cette image? En tous cas.).

Eh bien, à force faire du « barattage » de données, mon cher ami le machin de recherche m’a fortement suggéré de mettre la main sur un ouvrage dont le titre est pour le moins séduisant : The Organized Mind, de Daniel J. Levitin.

Futé, Google sait sans doute que j’habite à Montréal, me dis-je, car l’auteur du livre en question est justement professeur de psychologie à l’Université McGill.  Était-ce une simple coïncidence?  Qu’importe!  Ça m’intéresse.

Qui est Daniel J. Levitin?

Musicien d’origine, ce neuropsychologue a d’abord écrit un livre à succès, This is Your Brain On Music (« De la note au cerveau », en français), où il s’intéresse, comme le titre le suggère, aux effets de la musique sur notre cher intellect.

Dans The Organized Mind — dont on attend toujours une version française (c’est mon souhait) — il explore plutôt les liens entre la façon dont nous organisons notre environnement et notre capacité à être fonctionnel avec notre machine à penser.

Ça tombe bien, me dis-je.  Voilà une superbe occasion de faire des liens avec la gestion de l’information.

Et, par pur bonheur, c’est exactement ce dont il parle. 🙂

Comment le cerveau « gère » l’information

On voit d’abord, tout de suite, une référence à la gestion de l’information en lisant le sous-titre sur la couverture : Thinking Straight in The Age of Infomation Overload, qui aurait peut-être pu se traduire ainsi : « Comment rester concentré sur l’essentiel malgré la surabondance d’information ».

En introduction, Levitin attire d’ailleurs notre attention sur le fait qu’avec l’arrivée de la dite société du savoir, une bonne partie du travail qui était autrefois effectué par des spécialistes de l’information se retrouve aujourd’hui dans les mains d’à peu près tout le monde.

« Nous faisons le travail d’une dizaine de personnes », dit-il, ce qui explique que nous soyons autant confus dans nos affaires et nos tâches.  Le problème, c’est que notre cerveau est sollicité par trop de choses qui se passent dans notre environnement.

Il déclare que c’est en organisant notre univers externe que nous pourrons sortir du brouillard informationnel, nous concentrer et avancer.  C’est d’ailleurs aussi vrai pour la paperasse et pour les fichiers d’ordinateurs.

Il affirme aussi qu’il y a plus d’une façon de s’organiser pour être efficace.  Comment pourrais-je être en désaccord?

Contenu

Le cœur du livre est découpé en trois parties :

Dans la première, l’auteur décrit notamment comment le cerveau réussit à mémoriser, c’est-à-dire organiser les informations qu’il « enregistre » pour s’en rappeler.  Il parle aussi des origines et de l’évolution de ces capacités.

La deuxième partie présente plus spécifiquement différents univers dans lesquels on peut mieux s’organiser pour être plus efficace : à la maison, au travail et dans notre vie sociale.

Enfin, la dernière partie tente d’ouvrir la discussion sur ce qui peut être fait pour la suite et ailleurs.

De l’importance des catégories…

Durant le premier chapitre, il souligne – et insiste – sur l’importance d’utiliser des catégories pour organiser ce que nous connaissons.  En effet, celles-ci facilitent la compréhension et la mémorisation.

C’est d’ailleurs le moyen qu’utilise le cerveau – dans un réseau de neurones – pour se souvenir plus facilement des mots, des concepts et des liens qu’il y a entre eux.  Les catégories permettent au cerveau d’économiser de l’énergie.

…à celle de consigner l’information

De plus, le fait de rendre visibles ces catégories facilite la tâche au cerveau, tout comme mettre sur papier ses idées et ses pensées libère un stress sur lui, et lui permet de s’affairer à autre chose.

Ceci vous rappelle peut-être les propos de David Allen, dont j’ai critiqué le plus récent livre, et que Levitin cite d’ailleurs à plusieurs reprises.

Pourquoi nous organisons l’information

« Notre capacité à créer et à se servir des catégories nous provient des processus biologiques dans le cerveau », peut-on lire à la page 63.  C’est grâce au réseau de neurones que nous apprenons et retenons l’information.

Autrement dit, dans son histoire, l’être humain a commencé à organiser son univers avec l’écriture, les index, et toutes les technologies subséquentes, à l’image de ce que fait son cerveau d’un point de vue biologique.

Levitin souligne d’ailleurs l’importance qu’on eu le dessin et l’écriture sur le développement de notre civilisation, créant une sorte de « cerveau externe ».

Pourquoi organiser l’information est bénéfique pour nous

« Il est ineffablement rassurant d’ouvrir un tiroir et d’y retrouver les choses de même nature, dit Levitin. Le fait de retrouver ses choses sans avoir à fouiller nous permet d’économiser de l’énergie mentale pour s’affairer à des tâches plus créatives. »

Notons qu’ici, Levitin parle d’organisation de l’environnement en général.  Nous pouvons, en effet, établir des catégories – et le cerveau est excellent en cette matière – pour à peu près toutes les sphères de notre vie.

Dans tous les cas, un monde mieux organisé est un monde plus serein.  « Mieux les catégories sont construites, mieux votre environnement est organisé, et au final, mieux votre esprit l’est. »

Critique

Appréciation générale

J’aime beaucoup ce livre, qui offre beaucoup de contenu pertinent et éclairant.  Pour quelqu’un qui se passionne pour la gestion de l’information comme moi, ça me donne beaucoup de matière à réflexion et d’arguments.

Points à améliorer

Le plus grand reproche que je lui ferais est d’être dense et, ironiquement, plus ou moins bien structuré pour repérer rapidement l’information.

J’ai aussi l’impression que Levitin a voulu trop en mettre dans un même ouvrage.  Le livre aurait pu se contenter d’expliquer comment le cerveau organise l’information.  Ç’aurait pu être un bel ouvrage de vulgarisation.

Au lieu de ça, il s’improvise aussi comme un « guide », qui est loin d’être pratique.  Les conseils sont dispersés un peu partout dans les chapitres, et sont dissimulés au travers des explications scientifiques.  Rien pour faciliter la lecture.

Il y a peut-être, aussi, une surabondance de détails ou d’à-côtés, qui alourdissent la lecture.  Levitin part souvent dans une direction pour s’en éloigner, et s’étirer, dans une autre, sur un sujet qui me semble souvent secondaire.

On a parfois l’impression que son ouvrage porte sur une foule de sujets qui sont plus ou moins reliés au principal.  Il aurait peut-être eu avantage à se concentrer sur un seul sujet.

Conclusion

Loin de moi l’idée de dire que c’est un mauvais livre.  C’est un livre intéressant, mais difficile (et surtout long!) à lire, et souvent même, difficile à suivre.

Au final, c’est sans doute une lecture ardue parce que le contenu est peu aéré.  Ça manque de sous-titres, de découpages, de regroupements logiques et ordonnés.  Ça contraste douloureusement avec le message principal.

Doit on lire cet ouvrage pour ce qu’il est?  Doit-on le lire ligne après ligne, plus le relire plus tard pour se rappeler ce que l’on avait manqué, à force d’être distrait par autre chose?  J’ai l’impression que c’est inévitable.

Dans mon appréciation, je suis peut-être dur avec l’auteur, mais sachez que celui-ci ne manque pas de mettre en valeur – sur trois pages – tous les éloges qu’il a reçu pour ce livre.

Quelques faits intéressants révélés dans ce livre (à retenir)

  • Les possibilités de mémorisation du cerveau sont immenses.  Ce n’est pas le stockage d’information dans le cerveau qui est un problème, mais sa capacité à retrouver aisément l’information qui s’y trouve.
  • Le cerveau excelle dans la création de catégories, dans toutes ses subtilités.  C’est ce qui nous permet de comprendre les nuances et le niveau de détails nécessaires dans différents contextes, malgré la complexité du monde.
  • 99% de toute l’existence humaine a été consacrée à se fier qu’à sa mémoire, jusqu’à l’invention de l’écriture vers 3000 avant J-C.  L’arrivée de l’écriture a amélioré de manière considérable les capacités de mémorisation et d’indexation du cerveau.

Maintenant, y a t-il un parallèle à faire entre le fonctionnement du cerveau et celui d’une entreprise?  Sans doute… pour au moins une raison : la circulation des informations entre les gens, comme les neurones, n’est pas toujours optimale, et un outil de référence pour orienter les informations, ça pourrait sans doute les aider!

Que mettrez-vous en pratique aujourd’hui?

Félix Arseneau

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